Il y a quelques jours, à propos de la rédaction de notre nouveau projet d’établissement, je faisais le constat suivant à ma principale :
« Dans notre collège, nous avons tout lieu d’être satisfaits de quelques indicateurs ; les résultats au brevet progressent, le nombre de mentions augmente (même s’il convient de ne pas tirer de conclusions hâtives à partir d’une épreuve « formatée »), plus intéressant, nos élèves réussissent de mieux en mieux au lycée. Par contre, les quelques élèves en difficulté, le sont de plus en plus. »
Finalement, je me suis aperçu hier à la lecture du rapport PISA que mon collège était à l’image du système scolaire français : on y creuse les écarts entre de bons élèves de plus en plus bons et une minorité (croissante ?) d’élèves en échec de plus en plus en échec.
Faut-il en être surpris ? Bien sur que non puisque notre système scolaire fonctionne depuis toujours pour créer une élite et donc de facto pour créer de l’échec !
Si depuis dix ans, les écarts se creusent, c’est que depuis dix ans on a accentué le caractère élitiste de notre école :
– retour à des filières de relégation (apprentissage junior, 3ème DP6 …)
– détournement des options de plus en plus nombreuses pour recréer des classes de niveau
– suppression des rased
– dérèglement de la carte scolaire
– …

illustration de Marc Chalvin tirée de Laura Jaffré "Tout ce que vous pensez des profs et ce qu'ils pensent de vous" ed. La Martinière
Les résultats publiés hier devraient donc réjouir les défenseurs de notre « élitisme républicain » (y joindre cet adjectif semble aider à ne pas culpabiliser …).
Or, depuis hier, tous les commentateurs semblent découvrir que notre système creuse les écarts. Pire, les solutions que certains proposent après lecture de ce rapport risquent, si elles étaient mises en oeuvre, d’accentuer le phénomène.
On a évidemment eu droit à la remise en cause du collège unique. Il faudrait m’expliquer comment on va aider les élèves en échec à l’être moins en leur interdisant l’accès au même enseignement que les « bons » ?
On a pu entendre ou lire qu’il fallait « revenir aux fondamentaux ». Or, justement l’enquête PISA montre que les « fondamentaux » sont maîtrisés mais que ce qui fait la différence entre les « bons toujours plus bons » et les « mauvais toujours plus mauvais » c’est le sens que les élèves leur donnent et la capacité à les utiliser. » Ils sont capables d’appliquer une formule, pas d’échafauder une stratégie qui conduirait à la résolution d’un problème ». Or, les dispositifs tels que les IDD et TPE, qui visaient cet objectif, ont été dénigrés (comme l’est aujourd’hui l’approche par compétences) avant d’être quasiment abandonnés.
Passons sur les appels au « bon sens », très justement critiqués par Hervé Hamon dans le billet du mois du dernier « cahiers pédadogiques ».
Finalement, on risque fort , comme le soulignait Philippe Meirieu, d’arroser davantage ce qui est déjà mouillé !
Qu’on en revienne déjà dans le monde enseignant au postulat d’éducabilité de tous, et on aura fait un grand pas. Qui n’a jamais entendu dire en conseil de classe » Celui-là, tant qu’il nous laisse tranquilles … ».
Qu’on en revienne à une vraie réflexion pédagogique qui cherche à donner du sens aux apprentissages (sens que les « bons toujours plus bons » trouvent dans leur milieu socio-familial).
Qu’on cesse enfin de faire du collège un petit lycée, voire de faire ressembler de plus en plus l’école primaire à un petit collège
Bien sur, l’école ne peut pas tout. La société française est sans doute l’une des plus inégalitaires, il n’est donc pas surprenant de trouver ces inégalités en milieu scolaire. Mais que le système éducatif n’en rajoute pas et au contraire essaie de les atténuer en vertu d’une égalité elle … « républicaine ».