Nous venons de lire les voeux du Président de l’Association des Professeurs d’Histoire Géographie.
Nous avons nous aussi des voeux, nous aussi nous accusons (chacun a le droit de jouer le Zola de pacotille), nous aussi nous appelons (chacun peut jouer le de Gaulle de pacotille)
Nous vous souhaitons pour cette nouvelle année tous nos voeux de bonheur, personnels bien sûr mais aussi des voeux de bonheurs pédagogiques, ceux là même qui nous portent dans notre belle et importante mission au service de notre pays et de ses valeurs.
Nous somme nombreux à le penser et à rencontrer des collègues enthousiastes qui s’appliquent à offrir à tous les jeunes une formation de base de qualité, en y mettant toute leur énergie et toute leur intelligence. Tous ceux qui s’impliquent dans leur métier comme jamais, qui osent innover chaque jour dans leurs classe pour donner davantage de sens à leur métier. Celles et ceux qui travaillent ensemble par delà les barrières des programmes disciplinaires et des lamentations passéistes. Ceux qui imaginent le monde de demain dans lequel vivront leurs élèves. Les utopistes, les optimistes, les bienveillants.
Pour ces collègues, trop souvent en butte aux critiques, nous avons souhaité répondre aux voeux désespérants du président de l’Association des Professeurs d’Histoire Géographie afin de leur dire que oui, il y a d’autres chemins légitimes, d’autres combats à mener que la défense d’intérêts disciplinaires d’un autre temps et qu’ils ne sont pas seuls à se penser également professeurs d’éducation civique.
Nous faisons le voeu
Nous faisons le voeu d’avoir un jour une association professionnelle qui représente vraiment les professeurs d’histoire géographie et d’éducation civique et pas seulement les désenchantés qui n’ont pas compris que le remise en question est la qualité essentielle d’un enseignant. Une association qui rassemblerait tous ceux qui cherchent à établir des liens entre les disciplines pour leur enrichissement mutuel. Une association qui s’attacherait davantage à la façon d’enseigner qu’au nombre d’heures passées en classe. Une association qui soutiendrait ceux qui savent que ce sont les difficultés de notre métier et l’art de les surmonter qui lui donnent toute sa valeur.
Nous accusons
Nous accusons toutes celles et ceux qui brandissent comme un étendard la soit-disant opposition entre les savoirs et les compétences de mensonge, ou pire, d’incompétence. Nous les accusons de salir le travail de nombreux collègues qui ont, depuis plusieurs années, dans leurs établissement, choisi de mettre en oeuvre un enseignement par compétences. Eux savent à quel point cette approche est exigeante sur le plan des savoirs historiques et géographiques car s’appuyant sur la mobilisation de savoirs vraiment maîtrisés. Eux ne confondent pas compétence et savoir-faire utilitariste.
Nous accusons ceux qui réfutent l’importance de la pédagogie et de la didactique de s’être trompés de métier. La finalité d’un cours n’est pas d’offrir au professeur une scène pour démontrer ses savoirs, ni de lui permettre de se gargariser de la puissance de sa propre pensée. C’est, (doit-on encore le rappeler ?) bien au contraire de permettre aux élèves, à TOUS les élèves (et pas seulement cette élite d’élèves qu’on cornaquera jusqu’en classe prépa) d’accéder aux savoirs, aux savoir-faire et aux savoir-être qui leur permettront de devenir des adultes heureux et libres, conscients et acteurs de leurs vies. Ne pas s’y consacrer de toutes ses forces est une faute.
Nous les accusons de participer à la violence institutionnelle qui exclut de la poursuite d’études ou qui contraint à une orientation non choisie des dizaines de milliers de jeunes qui sortent du système scolaire en traînant comme un boulet l’image de leur échec.
Nous les accusons de tromper les jeunes qui envisageraient de devenir enseignants d’histoire, de géographe et d’éducation civique en leur laissant croire que la pédagogie et la didactique ne sont que des hochets au service du laxisme. Ils concourent par leurs discours au mal-être de trop nombreux collègues qui souffrent d’exercer un métier qui n’est pas celui auquel ils s’étaient préparés.
Nous accusons ceux qui par leur discours ambigus sur une École qui sacrifierait l’histoire et la géographie, de faire le lit de certaines figures médiatiques qui caricaturent notre enseignement pour vendre leurs livres aux couleurs sépia. Par leur vision passéiste de nos disciplines, ils insultent les nombreux enseignants qui se remettent chaque jour en cause pour porter dans les classes une science en perpétuelle évolution.
Nous appelons
Nous appelons les professeurs d’histoire, de géographie et d’éducation civique à continuer à s’engager, à se former, à travailler ensemble. À ne jamais se satisfaire de l’immobilisme et de la facilité. À poursuivre leurs réflexions pour diversifier leurs pratiques pédagogiques et didactiques.
Nous appelons l’opinion et en particulier les parents d’élèves, à ne pas croire que celui qui parle le plus fort a toujours raison. Non, la façon dont on vous a enseigné l’histoire, la géographie et l’éducation civique n’est pas la seule possible. Non, les programmes de votre jeunesse n’étaient pas forcément plus rigoureux, construits, logiques. La seule chose dont vous pouvez être certains, c’est qu’ils ne s’adressaient qu’à un petit quart de la jeunesse de notre pays. C’est exactement l’inverse de ce dont nous rêvons pour les jeunes dans nos classes.
Mila Saint Anne & Laurent Fillion
[Pour lire ce billet sur le blog de Mila Saint-Anne et découvrir la magnifique illustration qu’elle a choisie, suivre ce lien.]