Les débats répétitifs auxquels on a droit en ce moment à propos de la notation montrent au final deux visions de l’évaluation, voire deux visions de la mission d’un enseignant.
L’un des arguments (en est-ce vraiment un ?) avancé par les tenants de la notation est que tout autre système revient au même.
Voilà qui est quelque peu méprisant pour tous les profs qui ont mis en place un système d’évaluation bien plus exigeant pour eux-mêmes mais aussi pour les élèves et leurs parents … pour rien ? … par effet de mode ?
Et cette affirmation est généralement appuyée d’un propos qui paraît aux yeux de leurs auteurs d’une folle évidence » Mais enfin, on ne rend jamais une note seule ; elle est toujours accompagnée de commentaires sur les critères d’attribution ».
Personne n’a jamais dit le contraire.
(Ceci dit, ce n’est pas vrai pour les relevés de notes.)
Cette propension à croire que noter avec critères et commentaires revient au même qu’une évaluation par compétence démontre que la seule fonction envisagée pour l’évaluation est souvent la communication. En effet, l’évaluation/notation est alors une fin en soi. Et on communique ainsi à l’élève et sa famille la « valeur » de son travail, de son niveau. A lui de faire en sorte que la prochaine soit meilleure en utilisant les commentaires et conseils donnés. Voilà une vision de l’évaluation qui conforte l’idée que l’élève est responsable de son échec.
Mais l’évaluation ça peut être aussi une étape dans l’apprentissage et un moyen d’y accompagner l’élève. L’évaluation doit alors davantage être perçue comme un outil au service du prof.
Pour cela, il doit pouvoir connaître précisément ce que maîtrisent ou non chacun de ses élèves. Il faut donc pouvoir garder une trace des évaluations des élèves si on veut les utiliser comme un levier pour les apprentissages. Or, qu’indique un enseignant sur son carnet de notes ? Les notes.
Et, elles correspondent très rarement à une seule capacité évaluée.
Difficile d’y recopier tous les commentaires écrits sur les copies !
Difficile aussi de les mémoriser pour l’ensemble de ses élèves ! Avec une évaluation par compétences, nous disposons à chaque instant du bilan à un temps T de chaque élève.
Disposer d’un tel bilan permet par exemples de proposer à l’élève :
– remédiation ciblée
– réévaluation
– activité d’apprentissage ou d’entraînement supplémentaire ciblé
– activité lui permettant de s’appuyer sur ce qu’il maîtrise
– …
L’évaluation devient alors une étape du processus d’apprentissage et non sa finalité. Elle permet notamment le droit à l’erreur et des rythmes d’acquisition différents.
Une modification des pratiques d’évaluation ne suffit donc pas. Mais, évaluer autrement nous offre vraiment des pistes pour modifier aussi nos pratiques pédagogiques. La différenciation et l’individualisation paraissent alors plus simples à mettre en place.
Contrairement à ce qu’a affirmé E. Klein en clôture de la conférence nationale sur l’évaluation, changer de variables peut aider à résoudre un problème !
Car ici avec la variable on modifie surtout la finalité de l’évaluation. En faire avant tout un outil pédagogique au service de l’enseignant plutôt qu’un outil de communication pour sanctionner (au sens large) l’élève, voire la famille.
Du reste, cette fonction de communication s’en trouve aussi améliorée car les progrès ne sont pas alors traduits par l’augmentation d’un chiffre (qui fait référence le plus souvent à des objectifs d’enseignement différents d’un devoir à l’autre) mais par un niveau d’acquisition clairement établi.
Donc, NON changer de forme d’évaluation ne revient pas au même que l’existant.
Mettre l’évaluation au service des apprentissages appelle des choix clairs et courageux.