Réflexions personnelles sur notre système éducatif et son actualité

Pourquoi les notes posent vraiment problèmes.

In Salle des profs on 26 juin 2014 at 13 h 19 min

Avec le lancement de  la conférence nationale sur l’évaluation des élèves, le débat sur l’évaluation a été relancé. Et souvent plutôt mal.

Oui la notation pose problèmes ! Mais pas forcément ceux qu’on met le plus en avant. A en croire les journalistes, notre ministre et même quelques spécialistes, le principal problème posé par la note serait qu’elle suscite le découragement chez les élèves, voire qu’elle serait forcément malveillante.

illustration de Marc Chalvin tirée de Laura Jaffré "Tout ce que vous pensez des profs et ce qu'ils pensent de vous" ed. La Martinière

illustration de Marc Chalvin tirée de Laura Jaffré « Tout ce que vous pensez des profs et ce qu’ils pensent de vous » ed. La Martinière

 

C’est évidemment plus facile de ne pas décourager en utilisant d’autres modèles d’évaluation mais ce n’est pas aussi évident que les raccourcis simplistes  utilisés ici ou là le laissent croire.

D’une part, on peut très bien humilier un élève avec les points Lomer si on veut humilier. (mais on sait tous que ça n’existe pas un prof qui humilie ses élèves).

D’autre part, avant de les abandonner, nous avons utilisé les notes. Difficile d’affirmer aujourd’hui que nous n’étions pas  bienveillants. Il nous suffisait d’atténuer le ressenti que peuvent avoir les élèves devant un note trop basse (ou trop haute !), avec plus ou moins de succès.

Les vrais problèmes sont autres.

– La note induit le classement, la compétition, l’élitisme

Qu’on le veuille ou non, au final, mettre une note ou donner un moyenne permet de situer les élèves les uns par rapport aux autres, quand il convient de les situer par rapport à une situation de départ ou à un objectif d’arrivée.

Observons les élèves quand on rend les copies.   Que font-ils en premier lieu : lire les commentaires ? repérer leurs réussites ? leurs échecs ? leurs progrès ? Non « t’as eu combien toi ? et Kevin ? Yes, je l’ai battu ! »  » M’sieur c’est qui qui a la meilleure note ? »

Ecoutons les parents (ça s’applique à nous même les parents/profs) « J’ai eu un 14 aujourd’hui Maman ! »  » C’était quoi la meilleure note ? et la plus basse ? »

Observons les bulletins générés par les applications « offertes » par l’administration : moyenne la plus haute, la plus basse …

Les enseignants doivent-ils nécessairement répondre à cette demande de compétition ? Les rares collègues qui, après avoir testé une évaluation différente et qui sont revenus aux notes, le pensent puisque c’est la raison qu’ils invoquent : pouvoir classer les élèves.

Mais quel intérêt pour les apprentissages ?

La notation chiffrée est donc avant tout au service de l’élitisme. Rappelons que c’est pour cette raison qu’elles ont été inventées par les Jésuites. Aussi doit-on continuer à la pratiquer dès lors qu’on souhaite une véritable démocratisation de l’enseignement ?

– La note induit les moyennes et donc la compensation.

On lit souvent que le problème c’est la moyenne, pas les notes. Mais à partir du moment où l’on communique par notes, le réflexe est de passer aux moyennes, même quand on a aboli les moyennes générales. Certes, cela procure un excellente occasion aux élèves de réviser et appliquer leur mode de calcul. Car on sait tous que cette moyenne générale est calculée par les élèves et les familles. « 8 sur 20 en histoire-géo, pas grave grâce au 14 en maths ! »

Enfin, si on critique – à juste titre les moyennes générales- on semble être très attaché par contre aux moyennes disciplinaires. Pourtant, elles relèvent de la même logique (ou absence de logique). Comment peut-on résumer en une seule moyenne des notes de dictée, de rédaction, d’exercice de grammaire ? Là aussi, on permet la compensation (et donc des exigences au rabais)

– La note se satisfait d’exigences minimales

« Kevin : 10,5. Tu as la moyenne » Et Sconet Notes ne l’inscrira pas en rouge cette fois !

Que fait-on quand on a fini un paquet de copies ? On compte combien il y a de notes au-dessus de la moyenne !

On reproche souvent à l’évaluation par compétence d’être binaire « acquis / non acquis ». Il est vrai que « au-dessus de la moyenne / en-dessous de la moyenne » c’est très différent !

Surtout cette barre fatidique du 10 sur 20 à atteindre montre combien on se satisfait que les élèves ne maîtrisent au final que la moitié des objectifs d’apprentissage fixés.

– La note renseigne très mal les élèves et les parents

 

illustration de Marc Chalvin tirée de Laura Jaffré "Tout ce que vous pensez des profs et ce qu'ils pensent de vous" ed. La Martinière

illustration de Marc Chalvin tirée de Laura Jaffré « Tout ce que vous pensez des profs et ce qu’ils pensent de vous » ed. La Martinière

On entend souvent que la note est plus accessible aux parents. A défaut d’être simple, elle est surtout simpliste.

Il est rare qu’un devoir ne porte que sur une seule capacité. Aussi, le résumer par une note (fut-elle accompagnée de commentaires) ne permet pas à l’élève de savoir ce qu’il a réussi ou non. Kevin ne retiendra que le 12 sur 20.

Pire, la note ne permet pas de connaître les progrès ou très mal.

Prenons deux évaluations consécutives que j’ai données cette année en classe de Quatrième. La première portait sur la maîtrise du vocabulaire, la lecture de carte et la capacité à produire un récit . La seconde s’attachait à évaluer la maîtrise du vocabulaire (mais pas le même),  la lecture de textes et de graphiques et  la réalisation d’une carte. Kevin aurait obtenu 8 sur 20 au premier, 13 au second. Il en conclura qu’il a fait des progrès !

 

– La note ne permet pas au professeur de connaître finement ses élèves.

Dresser le bilan pour un élève avec pour seul outil un relevé de notes est une gageure. Que maîtrise-t-il dans ma matière ?  Quels progrès a-t-il réalisés ? Quels objectifs lui fixer ?

Comment constituer des groupes de besoin pour travailler en ateliers de progrès à partir des seules notes ? Comment constituer des groupes d’élèves complémentaires dans lesquels chacun pourra apporter aux autres pour une séance d’enseignement mutuel ou pour un groupe de production ?

 

– La note parasite les apprentissages.

Elle met l’apprentissage au service de l’évaluation quand c’est l’évaluation qui devrait être au service de l’apprentissage.

Kevin « travaille » pour avoir une bonne note, pour réussir l’évaluation. Et quand les efforts entrepris ne se traduisent pas par un bonne note, il les stoppe.

Du reste, tous les ans à la même période,  on entend les plaintes quant à la démobilisation des élèves après l' »arrêt des notes » toujours trop tôt. Comme si on ne pouvait pas apprendre sans être sanctionné par une évaluation.

La logique devrait être inverse : l’évaluation devrait permettre d’accompagner les apprentissages.

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On le voit, la note pose suffisamment de problèmes pour que ceux qui les abandonnent ne soient pas considérés comme des apprentis sorciers ( ils s’appuient sur des études réelles et bien connues) qui veulent casser le thermomètre (ils souhaitent au contraire « mesurer » plus finement).

Vouloir améliorer le système d’évaluation sans toucher aux notes, comme on l’entend parfois (il suffirait de les compléter ou de supprimer les seules moyennes) ou comme nous laisse craindre la volonté du ministre de trouver un consensus préalable (consensus qui conduit toujours à l’immobilisme dans l’Education Nationale) serait une erreur.

  1. Merci pour cette article, qui décrit simplement et efficacement tous les problèmes de la note. Telle qu’on la met actuellement. C’est à dire une note qui compare ce que l’élève a réussi à faire par rapport à un corrigé parfait fait par le prof. Et dont on fait des moyennes, des classements et tout ce que tu décris si bien.
    Mais, la note ça peut être chose. Ça peut être une façon pour l’élève de savoir où il en est par rapport aux exigences explicites de son professeur, avec un droit à l’erreur (une note qui augmente après une correction par exemple).
    Je suis d’accord avec ton constat, pas avec ta conclusion. Si la note actuelle fait tout ça, à nous de trouver une note sans tous ces défauts. Ça paraît plus simple que de changer tout l’inconscient collectif de la France entière (profs et parents compris), non ?
    http://elevechercheur.wordpress-hebergement.fr/

  2. A reblogué ceci sur Curation exclusivement en françaiset a ajouté:
    Churchill n’aurait pas dit mieux : noter est le pire des systèmes… à l’exception de tous les autres.

  3. Je me reporte 15 ans en arrière avec cette lecture !

    j’ai apprécié que le terme  » humiliation  » vienne en tête d’article . Cela me semble un point central.

    J’ai mis toute ma carrière des notes mais sur les dernières années je les ai de moins en moins sacralisées et j’ai veillé de plus en plus à ne pas humilier ( donc par exemple donner la copie individuellement sans rendre publique la note).Je vous passe le reste du ragoût
    Supprimons les notes pour ??? il s’en trouvera tjs pour y ajouter un commentaire à vomir …

    parler… expliquer

    J’ai toujours trouvé admirables les évaluations par acquis / non acquis;; mais quel travail !!! Et je n’en ai jamias eu le courage.

  4. […] réflexion chez Laurent Fillion au sujet des notes. Pour mémoire, il faut 19 correcteurs différents pour obtenir une note « […]

  5. […] écrit Laurent Fillon dans son excellent article qui décortique le fonctionnement de la note (Pourquoi les notes posent vraiment problèmes). Il fait la liste des problèmes : elle induit les moyennes et donc la compensation, elle se […]

  6. Je vous donne ma petite contribution, celle d’un parent de deux élèves en lycée et collège dans le privé.

    Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de parents qui pensent que les professeurs soient malveillant et cherchent à humilier leurs élèves. Des cas doivent exister, certes, mais la très très grande majorité des parents d’élèves vous respectent et vous remercient pour le travail qu’est le vôtre.

    Je pense que l’évaluation sommative ne devrait pas être l’élément principal de notation de notre système éducatif.

    L’analyse des connaissances et des compétences requises par le socle commun devrait être développée dans le futur et devrait être la clé de voute de tout nouveau système d’évaluation. Le livret personnel des compétences, introduit en 2005, devrait être l’outil central du nouveau système d’évaluation.

    Les deux types évaluation, diagnostique et formative, devraient conduire les enseignants à valider les acquis des connaissances et des compétences requis de leurs élèves. Si certaines compétences ne sont pas acquises lors des différents exercices en classe, il faut notifier les lacunes au cours de l’année et non en fin d’année quand les vacances ont commencé. Cela permettrait aux enseignants de situer leurs élèves par rapport à leurs situation de départ et à l’objectif d’arrivé dans chaque domaine.

    La granularité des différentes compétences attenue l’élément binaire de « l’acquis / non-acquis ». De plus, rien n’interdit de noter la progression dans l’acquisition de certaines compétences en annonçant acquis à hauteur de 50% dans le cas où l’élève réussit la moitié des exercices dans un domaine de compétence donné. La plupart des enseignants ne la pratiquent pas car cette méthode d’évaluation n’est pas vraiment reconnue par l’Éducation Nationale qui demande un rapport annuel du Livret de Compétences Personnel, ce qui enlève toute la pertinence au dispositif.

    L’évaluation formative liée à l’acquisition des différentes connaissances et compétences permettrait d’accompagner les apprentissages car les enseignants pourraient être mieux renseignés et renseigner du degré d’acquisition et éventuellement ajuster les temps et les degrés personnels d’apprentissage, si nécessaire.

    Faut-il pour autant arrêter les notes ou l’évaluation sommative sous-jacente ? Je ne le crois pas.

    Comment déceler, reconnaître et signaler des élèves capables et / ou motivés ? En quoi les notes mettent la démocratisation de l’enseignement en péril ? Le principe d’égalité fait partie de notre patrimoine national. Mais l’égalité, inscrite dans notre constitution, est définie comme l’égalité devant la loi et les institutions. Cela ne signifie pas que nous sommes tous identiques.

    L’évaluation sommative fait partie de l’apprentissage de la vie. Pour quelle raison il ne faudrait pas classer les élèves alors que la société leur imposera tout au long de leur vie à travers la compétition ? Et si un élève veut refuser cette compétition, en quoi les notes l’empêcheraient de refuser celle-ci ? Une fois que vous avez déterminé qu’un élève a acquis les connaissances et compétences requises dans un domaine particulier, les exercices de l’interrogation et la note de son travail devrait refléter ce constat, avec une note s’approchant du 15 plutôt que du 10.

    En revanche, l’évaluation sommative et la note sous-jacente devraient aussi permettre de savoir qui parmi les élèves d’une classe est allé plus loin, soit par envie, soit par capacité, ou qui est un peu juste dans ses connaissances, dans son travail personnel et ses aptitudes. À aucun moment le principe d’égalité est violé. Cette différentiation n’est pas négative et permet à notre système de faire évoluer les élèves qui ne sont pas tous identiques.

    La combinaison du bulletin de note trimestriel et du livret des connaissances et des compétences reconnu et utilisé avec des objectifs bien plus ambitieux, permettant de reconnaitre les aptitudes et l’évolution des élèves tout au long de l’année, devient un facteur positif et évite toute frustration des enseignants, des élèves et des parents.

    Je suis aussi conscient que cette dualité d’évaluations demanderait un effort et un travail supplémentaire important pour les enseignants. Il est important et utile que l’éducation nationale donne les moyens nécessaires à un tel changement de pratique, ce qui n’est pas gagné d’avance.

    Post Scriptum à l’usage des parents d’élèves du privé qui pourraient me lire :

    Certes la note peut décourager des élèves qui ont pu avoir de mauvaises notes alors qu’ils ont fourni un travail certain.

    Si un élève se donne plus ou moins à fond et se retrouve en situation d’échec constant, il faut se demander, en tant que parents aillant fait le choix de ce type d’enseignement, si nous n’avons pas visé une école ou des études trop difficiles pour notre enfant. Ce sont des situations qui demandent aux parents de remettre en question les choix qu’ils ont pris dans le passé et beaucoup de parents doivent faire face à cette réalité à un moment ou à un autre.

    Lorsque nous recevons les bulletins trimestriels de nos enfants, nous devrions retenir surtout les points forts du bulletin et non comment les meilleurs notes compensent les mauvaises. Il est en effet important de connaître les domaines où ils sont bons et de nous guider dans les choix tout au long de leurs études. Les mauvaises notes sont à traiter séparément afin de corriger le tir, les aider avec un soutien et une attention supplémentaire.

    Le bonheur de leur enfant devrait toujours primer sur le reste. J’ai toujours présent une maxime de mon père qui m’a toujours demandé « d’être absolu dans l’effort et relatif dans le résultat », qui reflète le binôme « exigence et bienveillance » prôné par M. Hamon. Cette maxime a contribué à ne rien regretter de ma vie et à garder le sourire même dans l’échec.

  7. […] Avec le lancement de la conférence nationale sur l’évaluation des élèves, le débat sur l'évaluation a été relancé. Et souvent plutôt mal. Oui la notation pose problèmes ! Mais pas forcément ceux q…  […]

  8. Je rappelle la règle sur ce blog : je ne publie aps les commentaires anonymes ou sous pseudos. Ici, on assume ses propos.
    C’est pourquoi certains préfèrent sans doute courageusement commenter ailleurs.Et quand on n’a pas d’arguments à opposer, on préfère jouer avec le nom de l’auteur ou relever les erreurs d’accord qu’il a laissé passer. un argument de poids tout de même : les grands patrons utilisent le concept de compétences, donc c’est mal.Si j’osais j’évoquerais les agences de notation…
    Pour ceux qui feignent de ne pas connaître quelques études sur la question : http://iredu.u-bourgogne.fr/images/stories/Documents/Cours_disponibles/Demeuse/Cours/p6.4.pdf

  9. Il est évident que le lien donné l’est non pas pour l’article en lui même mais pour les nombreux exemples d’études qu’il cite. Je ne voudrais pas qu’un courageux anonyme pense qu’en plus de ne pas savoir écrire, je ne sais pas lire.

  10. Vous répondez à côté, avec vos études. Elles critiquent les notes, c’est certain. Mais critiquer les notes n’est pas en soi suffisant pour justifier leur suppression: le remède peut aussi bien être pire que le mal.

    Y a-t’il une étude qui compare sérieusement le système sans notes et le système avec?

    • Je ne pense pas « répondre à côté de la plaque ». Existe-t-il des études qui montrent les aspects négatifs de la notation ? Oui. Est-il dès lors légitime de vouloir essayer autre chose ? Oui. Pourquoi exiger des méthodes innovantes des « études » qu’on n’exige jamais aux méthodes traditionnelles. Je vous renvoie la question : disposez-vous d’études qui montrent que l’évaluation par notation est la meilleure ? Je peux par contre vous décrire ce que cela m’apporte en terme de meilleure connaissance de mes élèves et donc d’accompagnement de leurs apprentissages.

  11. «Est-il dès lors légitime de vouloir essayer autre chose ? Oui»

    Nous sommes d’accord, on peut tout essayer. Là où je ne suis pas d’accord, c’est quand on veut généraliser ces essais avant d’avoir tiré le moindre bilan de la chose. On peut probablement lister beaucoup d’effets négatifs possibles pour une approche sans notes, le manque de la clarté du message envoyé aux.familles n’étant pas le moindre.

    Des tests améliorent les résultats: «Make it stick» http://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674729018 insiste sur l’efficacité du «testing effect» (tester souvent les élèves, à coup de QCM ou de question à réponse courte par exemple). Le test est un moyen d’apprentissage en soi. Alors bien sûr on peut ne pas noter les tests. Mais il faut bien envoyer un retour sur la réussite.

    • « Là où je ne suis pas d’accord, c’est quand on veut généraliser ces essais avant d’avoir tiré le moindre bilan de la chose. »
      Laisse perdurer des pratiques, pire interdire parfois de les abandonner alors qu’on sait qu’elles présentent des défauts et non des moindres, est-ce mieux ?
      Je pense qu’à un moment, nos décideurs doivent se montrer courageux, soit ils veulent impulser des changements et il les assument soit ils entendent les conservatismes et ils les assument. Mais des modifications qui viennent en plus de l’existant, ça ne satisfait personne et c’est inutile.
      Sur le manque de clarté du message aux familles, c’est plus une question d’habitude. Comme je l’écrit avec la note le message est simple mais simpliste. Il y a bien des apprentissages où on ne passe pas par les notes pour communiquer aux familles des avancées de leur enfant.
      Sur votre dernière remarque, je ne vois pas bien ce que vous voulez dire. A moins que vous aussi, vous faites un raccourci bien maladroit entre « absence de notes et absence d’évaluation » (casser le thermomètre !). Je ne vois pas en quoi ne plus mettre de notes m’empêcherait de faire des tests réguliers. Bien au contraire, et c’est une critique que je veux bien entendre, évaluer par compétences peut parfois tourner à une inflation des évaluations si on n’y prend garde.
      Le « retour sur la réussite » peut prendre bien des formes autres qu’une note et bien mieux informer que celle-ci d’ailleurs.

      Le débat essentiel est « pourquoi on évalue ? ». En ce qui me concerne je veux mettre l’évaluation au service de l’apprentissage (et non à une quelconque sélection). Ayant pratiquer les deux formes d’évaluation, je suis persuadé que dans ce cas se passer des notes aident à y parvenir.

  12. […] catégorise, classe, et donc encense… ou démotive, voire détruit. Certains (comme Laurent Fillion) en parlent mieux que […]

  13. […] Pour approfondir et lancer le débat, un article de Laurent Fillion, prof d’histoire-géo, sur son blog « Peut mieux faire ! » : Pourquoi les notes posent vraiment problèmes ? […]

  14. J’aimerais savoir en quoi la compétition serait une mauvaise chose. Dans le monde du travail, ne doit-on pas se montrer meilleur que son collègue afin d’impressionner son patron ? Lors d’un entretien d’embauche, ne s’agit-il pas de « gagner » pour avoir le job qu’un autre n’aura pas ? Nos élèves ne vont pas vers un pays imaginaire où tout est beau et gentil, ils vont dans la vraie vie !
    Ensuite, les notes… C’est vrai que le gamin à qui on va dire qu’il a 0/20 va être contrarié s’il a bossé. Mais celui qui ne fait rien, s’en fiche et en fait une fierté (vraie ou fausse, peu importe, il l’affiche). Mais n’oublions pas la fierté de celui qui a 20/20. S’il ramène un paquet de croix ou de smileys à la maison, ça ne lui fera pas le même effet, d’autant plus que le moyen de la classe aura peut-être les mêmes croix ou smileys. Encore une fois c’est un moyen de décourager les bons élèves, de leur donner honte d’être bons pour que les moins bons ou les mauvais puissent avoir l’impression d’être bons. Est-ce si grave d’avoir de bonnes notes ? En quoi cela est-il devenu dérangeant ? Simplement parce que tout le monde ne peut pas en avoir ? Mais dans ce cas, je veux un salaire de 20 000€ parce que d’autres en ont !
    Un bac par compétences ? Ce sera sympa. Un master par compétences aussi… Et pourquoi pas en médecine : jouer à ce jeu-là et permettre à qui le voudra de devenir chirurgien… Après tout, hein, on a le droit de rêver ! J’aurais voulu être vétérinaire. Les notes m’en ont empêchée. Avec les compétences, si ça se trouve, je le serais devenue… sans en être capable réellement mais en ayant l’illusion de l’être.
    Soyons sérieux ! Dans quelques années, si l’éducation nationale existe encore, ce système sera présenté comme ringard. On reviendra aux notes en disant que, finalement, c’était pas si mal… Ou bien on trouvera un nouveau hobby pour les pédagogos de tous poils au risque de perdre encore plus de pauvres gamins et de les rendre encore plus malheureux qu’ils ne le sont déjà. On a rendu les mauvais élèves malheureux en les forçant à rentrer dans un moule qui n’était pas pour eux et on passe notre vie à dire aux bons que ce n’est pas bien d’être bon parce que ça humilie les mauvais. Résultat : les bons élèves se cachent et ont véritablement honte ! Avec ou sans notes ! Les enfants ne sont pas idiots ! Ils sauront, dans la classe, lequel de leur camarade est le plus doué et lequel est le moins bon ! Ils verront bien, ou sauront bien, un jour ou l’autre, qui a acquis ou pas les compétences ! Arrêtons l’hypocrisie pour changer !

    Enfin, croyez-vous sincèrement que les écoles des enfants de nos élites vont jouer à celui qui aura le plus beau des smileys ou bien vont-elles, elles, continuer à enseigner correctement en notant et en évaluant réellement les capacités des gamins afin qu’au bout de la compétition (parce que chez eux, ce n’est pas un gros mot), il n’y aura qu’un seul vainqueur ? Le meilleur !

    • @beadu29 : je vous rappelle que d’ordinaire je ne publie pas les commentaires sous pseudos (ici on assume !)surtout quand on se permet quelques insultes gratuites (du type pédagogo). Néanmoins, le votre mérite une réponse.
      Si je résume votre argumentaire en faveur de la notation, c’est qu’elle est utile pour sélectionner et exclure. C’est en effet son seul intérêt et elle a d’ailleurs été inventée pour cela par les Jésuites.
      Sur la nécessité de préparer les élèves à la compétition, j’ai un peu de mal à vous suivre. En quoi l’école devrait préparer les enfants aux tares de la société. Si je faisais aussi dans la caricature je vous parodierai « parce qu’ils ont hélas des « chances » de subir un harcèlement moral plus tard, il faudrait aussi les y préparer en leur faisant subir dans nos classes ? » Ne pourrait-on pas au contraire faire le pari d’améliorer la société en apprenant la collaboration dans une école plus humaniste ?
      D’autre part, votre remarque est assez cocasse car généralement on targue l’évaluation par compétence d’être au service du libéralisme et de l’entreprise. Vous affirmez le contraire. Néanmoins, il me semble pour reprendre votre exemple des entretiens d’embauches et de l’évolution de carrière dans l’entreprise, que de pouvoir connaître ce qu’on maîtrise et donc ses compétences sont essentielles.
      Quant aux critiques que vous faites à l’évaluation par compétences, force est de constater que vous ne l’avez sans doute jamais pratiquée pour en voir une vision aussi caricaturale.
      Je ne vois pas pourquoi en évaluant ainsi je pénaliserais les « bons » élèves. Je peux vous assurer qu’ils sont très fiers de maîtriser les capacités évaluées.
      Je ne vois pas non plus en quoi une évaluation par compétences laisserait croire aux élèves qui ne les maîtrisent pas que ce n’est pas le cas. Par contre en connaissant plus finement leurs résultats, on peut davantage remédier et les amener à les maîtriser au final. Mais ça, ça dérange forcément celles et ceux qui assignent à l’école une finalité de sélection et d’exclusion par l’échec. Surtout quand on utilise des termes comme « enfant doué » qui laisse entendre que la réussite scolaire serait génétique et ne relèverait pas de l’acquis. L’évaluation sans note est donc si j’en crois votre commentaire plus adaptée au postulat d’éducabilité de tous les élèves et in fine à une démocratisation des savoirs. J’en suis fort aise.
      Je passe sur la contradiction de votre phrase « Avec les compétences, si ça se trouve, je le serais devenue… sans en être capable réellement mais en ayant l’illusion de l’être » alors que justement une évaluation par compétences rigoureuses évalue justement ce dont on est capable. Alors qu’avec les notes et les moyennes, le principe de compensation fausse tout.

      J’en reviens donc à ce que je ne cesse de dire et écrire : le vrai débat est « pourquoi évaluer ? »
      Pour sélectionner ? utilisons les notes
      Pour apprendre à tous, abandonnons-les

  15. Question:

    Les « pédagogues » semblent suspecter systématiquement les notes alors qu’ils parlent sans cesse d’évaluation. Vous semblez dire qu’on peut évaluer sans noter. Mais, dans les conditions actuelles, est-il vraiment réaliste de prétendre supprimer les notes ? L’administration, les élèves, les parents, les inspecteurs eux-mêmes… tout le monde considère que les notes sont une chose indispensable… Comment peut-on faire évoluer cela ?

    ELEMENTS DE REPONSE (rédigés par des stagiaires en formation):

    Dans l’esprit de beaucoup d’enseignants, d’élèves et de parents, tout ce qui touche au contrôle et à l’évaluation du travail scolaire se réduit à une question de notes sanctionnant un résultat.

    Il serait trop long de revenir sur tous les travaux de docimologie. Leurs conclusions en sont suffisamment connues. Ils montrent, de façon irréfutable, que toute note – même dans les disciplines dites « exactes » – dépend, pour une grande part, de conditions très diverses, qui n’ont pas grand chose à voir avec la « qualité » intrinsèque du travail noté : les critères sont différents d’un enseignant à l’autre et, pour un même enseignant, en fonction du moment et des conditions de l’évaluation ; nous sous-estimons les travaux de ceux que nous considérons comme « mauvais élèves » et ne voyons pas toujours les erreurs (même inconsciemment) de ceux dont nous attendons un bon résultat, etc.

    Pourtant, même en reconnaissant les défauts de nos habitudes de notation, nous devons admettre qu’il est difficile d’y renoncer pour plusieurs raisons, qui ne sont pas toutes à rejeter. Nous pouvons cependant, nous demander ce que signifient ces notes et l’utilisation que nous en faisons.

    a) Pratiquement, une note ne peut être qu’une appréciation globale sur la valeur d’ensemble du travail fourni. Le plus souvent, il est impossible à l’élève de savoir de façon claire, sur quel point porte exactement sa note. Par elle-même, la mauvaise note ne dit pas à l’élève sur quel point il devra apporter des corrections pour réussir un autre travail du même type.

    b) Pour remédier à cette lacune, certains professeurs « découpent en tranches » leur note pour attribuer une note spécifique à des objectifs différents. La note d’ensemble devient alors le total, ou la moyenne, de ces notes partielles. Mais, si les objectifs partiels ont été bien isolés et déterminés, les seules notes adéquates devraient être 20, ou 0 (= « réussi » ou « non réussi »). En revanche, s’il n’a pas été possible d’isoler un objectif unique, bien précis, on se trouve ramené à l’ambiguité de la note globale.

    Incontestablement, cependant, ce fractionnement de la note peut aider l’élève à mieux découvrir pourquoi il a réussi ou échoué ; mais, on peut se demander ce que signifie un mélange de notes qui portent sur des objectifs différents. Cela voudrait-il dire que l’élève peut délibérément laisser de côté tels ou tels objectifs, pourvu qu’il s’arrange pour obtenir une note convenable ? Si un élève obtient une bonne note en rédaction sans savoir faire une « transition », qu’on le veuille ou non, il sera tenté de se dire : « Il ne sert à rien de savoir faire une « transition », puisque, même sans cela, je peux obtenir une bonne note ».

    c) Cette incohérence de la globalité des notes devient absurdité quand elles sont utilisées pour établir des moyennes ! Une faiblesse, une défaillance sur un des objectifs de travail peut-elle être compensée par la réussite sur d’autres points ? C’est pourtant ce que signifient nos moyennes ! Les élèves le plus malins parviennent fort bien à se « débrouiller » pour obtenir des moyennes satisfaisantes, qui ne disent pas que des lacunes importantes demeurent.

    Ce défaut devient encore plus grave quand on établit des moyennes entre des notes portant sur des matières ou des types de travail différents. Peut-on dire que d’excellents résultats en français compensent des faiblesses en anglais ou en mathématiques, par exemple ? Accorder du crédit à ces moyennes c’est mélanger des choses qui n’ont rien de comparable, par le truchement de l’abstraction des chiffres. C’est aussi admettre que l’on peut fort bien négliger certaines matières ou certaines parties du programme, pourvu que l’on réussisse bien sur d’autres. Si c’est cela qui est accepté, il serait plus honnête de le dire clairement.

    Mais, sur le plan des apprentissages, le plus gros défaut des notes provient de ce qu’elles sont un jugement, extérieur, qui n’aide pas l’élève à devenir plus autonome dans son travail, qui ne lui permet pas de progresser. Le « mauvais élève » est même parfois amené à passer un marché avec l’enseignant : « Je bâcle mon travail et vous me mettez une mauvaise note : justice est faite et l’on n’en parle plus! » Il arrive même que l’élève mette au panier sa copie dès qu’il a pris connaissance de sa note. Le professeur lui explique alors qu’il aurait tout intérêt à prendre le temps de comprendre les raisons de ses erreurs. Mais, curieusement, le même professeur ne remarquera pas que le bon élève, satisfait de sa note brillante, ne cherche pas davantage à découvrir les raisons de sa réussite. La note reçue n’aide pas plus le bon que le mauvais élève à prendre conscience de sa responsabilité dans son travail.

    On ne peut pas chercher à rendre un élève plus exigeant envers lui-même sans l’habituer à se juger par lui-même, à apprécier ce qu’il fait et à l’améliorer. Cette attitude qui relève d’une opération mentale bien identifiée – la décentration – est indispensable pour progresser. Et elle devrait nous inciter à ne jamais simplement « payer » d’une mauvaise note un mauvais travail, mais à pointer systématiquement les points défaillants à améliorer pour que l’élève parvienne enfin à un résultat dont il puisse être fier. Dans cette perspective, il suffit de disposer d’une grille binaire : « réussi » (ou suffisamment réusssi pour pouvoir passer à un travail d’une difficulté supérieure) ou « échoué » (insuffisamment réussi et doit être retravaillé sur le même énoncé ou dans un contexte différent, avant de pouvoir aller plus loin).

    Peut-on alors supprimer les notes ?

    Certains considèrent qu’il s’agit là d’une utopie : « Mes élèves ne travaillent que pour les notes. lis ne feront plus rien sans cette motivation. » Mais, en réalité, est-ce eux qui imposent ce système, ou est-ce nous ? Si les élèves accordent une telle importance aux notes ne serait-ce pas, tout simplement, parce que, depuis le début de leur scolarité, tout est organisé pour qu’ils soient persuadés, en fin de compte, que la seule appréciation objective est le jugement « objectif » qu’exprime la note donnée par le professeur ? Quand une équipe d’enseignant se met d’accord pour renoncer au fétichisme des notes, elle s’aperçoit assez vite que les élèves parviennent fort bien à s’en passer.

    D’autres disent : « Je voudrais bien me libérer de tout ce système de notation, mais on me demande des notes, les élèves en auront besoin s’ils changent d’établissement, et il faudra bien en faire figurer sur les dossiers scolaires…. » C’est vrai. Mais, tenir compte de cette nécessité n’oblige pas à tout noter et encore moins à ce que les notes soient le principal moyen d’apprécier les travaux d’élèves. Réalisons que dans cette perspective – comme pour les examens – les notes servent avant tout de moyens de sélection, pour évaluer les chances de chacun de pouvoir poursuivre telles ou telles études ou d’accéder à tels ou tels emplois. Il est parfaitement légitime que la société veuille faire cette sélection, mais, alors, le but n’est plus, à proprement parler, éducatif. Cela dit, on peut parfaitement noter, de manière « sommative » un résultat qui figurera sur les documents officiels (et qui correspond, le plus honnêtement possible, à la « valeur » de l’élève au regard des exigences scolaires) et se passer des notes dans le fonctionnement quotidien de la classe. On peut dire aux élèves : en matière d’évaluation, il n’y aura que des « critères » sur lesquels je vous indiquerai si vous avez réussi ou échoué, et grâce auxquels vous pourrez progresser… Et puis, de temps en temps, on fera un récapitulatif qui permettra d’avoir un vision d’ensemble – certes approximative – mais exigée par l’école. »

    Bien entendu, diminuer le rôle des notes ne signifie nullement que le professeur doive abandonner l’élève à lui-même. Il aura à lui fournir des moyens de contrôle et d’évaluation. Il aura à aider l’élève à pratiquer l’auto-évaluation (en lui donnant éventuellement des outils pour cela ou en lui demandant de solliciter des avis de ses camarades), en veillant à ce qu’il comprenne bien les raisons de ses échecs comme de ses réussites, afin que les appréciations soient des points d’appui pour de nouveaux progrès. Ceci ne demande pas beaucoup de temps et, en tout cas, infiniment moins que ces innombrables séances de corrections que nous nous imposons.

    On peut donc parfaitement réduire le poids des notes. mais à condition de revoir l’ensemble de notre pédagogie et de mettre chaque élève en position de vivre les évaluations successives de son travail comme un défi à lui-même : il doit donc , à la fois, voir ce qui ne va pas et être convaincu qu’il peut progresser. C’est une dynamique qui s’impose à la totalité du travail pédagogique.

    http://www.meirieu.com/CLASSEAUQUOTIDIEN/notes.htm

    (cité par Christophe Chartreux)

  16. […] aurait eu le mérite de recentrer le débat. Car, comme je l’ai déjà précisé, NON le sujet n’est pas de savoir si telle ou telle forme d’évaluation est […]

  17. […] tout de suite.  En ce moment, à l’affiche : – un article intitulé « pourquoi les notes posent problème« , que je trouve très pertinent et complet. Tout y est dit, alors je me tais.  – […]

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