Quelle surprise de voir le Snalc s’intéresser au socle commun. Ce syndicat qui ne cesse de dénoncer son existence serait-il en train de changer de bord voyant qu’il n’a pas eu gain de cause (comme d’autres organisations syndicales) sur ce sujet, définitivement et plus que jamais mis au coeur du système éducatif par la nouvelle loi sur l’école ?
Soit, très bien, on avance
… ou pas !
Alors que propose cette organisation syndicale ?
Une méthode infaillible (sic) pour valider un socle commun (remodelé en s’éloignant des compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, bien évidemment) .
Le SNALC propose sous forme de tableau sa vision du socle, des compétences et de leur validation :
On comprend mieux ! Il s’agit d’une manière de ne pas s’occuper du socle et des compétences. On regarde simplement en fin de parcours les résultats des élèves au contrôle continu et à l’épreuve ponctuelle du DNB, en prenant soin de bien séparer les disciplines.
Ce tableau démontre bien que le Snalc ne maîtrise pas du tout son sujet. Ont-ils au moins lu les orientations du socle commun et du travail par compétences ?
Valider des compétences … sans évaluer des compétences
Pour travailler et évaluer des compétences, il faut confronter les élèves à des situations complexes. On vérifie une compétence quand un élève sait mobiliser ses ressources internes (connaissances, capacités) et des ressources externes (aides, informations …) pour traiter ce type de situations, se rapprochant, si possible, de la vie réelle. Des évaluations classiques de connaissances et de savoir-faire ne permettent donc pas d’évaluer une compétence, c’est un élément de formation parmi d’autres.
En considérant la moyenne comme boussole pour évaluer le socle commun on prend donc en compte des évaluations qui n’évaluent pas … le socle.
Dans le meilleur des cas, l’enseignant aura déjà intégré ce types de situations à son enseignement et ses évaluations. Le fait est que c’est loin d’être une généralité pour le moment !
Le Snalc ajoute les épreuves ponctuelles du DNB. Certes, il y a bien un peu de prise d’initiatives en mathématiques, il y a un travail d’écriture en Français mais il y a aussi du plus “classique” et surtout … le sujet d’histoire géographie éducation civique proposé en juin dernier ne permet en aucun cas d’évaluer des compétences.
Des notes aux réalités bien diverses …
Il faudrait donc s’intéresser aux moyennes. Tous les élèves et tous les enseignants de France le savent, une moyenne sur 20 peut révéler des réalités bien diverses.
D’une part parce qu’elle peut compenser de gros manques par quelques grandes réussites, ce qui va à l’encontre de l’approche par compétences, et favorise des approches “stratégiques” de la part des élèves.
D’autre part parce qu’on sait que d’un enseignant à l’autre, d’une classe à l’autre, d’une discipline à l‘autre, d’un collège à l’autre un 10/20 ne veut pas dire la même chose. Les enseignants se calent encore trop souvent sur la traditionnelle courbe de Gauss, qu’il s’agisse d’un groupe d’élèves “excellents” ou plus “moyens”. Ce besoin de trier …
Cette notion de tri est d’ailleurs dans l’esprit du Snalc qui propose par ailleurs un collège à deux vitesses (voir un prochain billet), et décréte qu’il y 20 % d’élèves en échec qui doivent suivre un enseignement dit fondamental ?
Le socle devrait-il devenir un outil au service de la sélection et non de formation aux yeux de certains ?
… et surtout inadaptées pour évaluer et/ou valider un véritable socle commun
Rappelons ce qu’est le socle : ce que nul élève ne doit ignorer en fin de scolarité obligatoire. Que nous propose le Snalc ? De le valider à des élèves qui ne maîtrisent tout juste qu’un peu plus de la moitié ! (la moyenne supérieure à 10). Et ce serait les défenseurs du socle qui manqueraient d’exigences … Mais, pour faire sérieux, il faut laisser 20% d’échec et donc proposer un socle commun … pas vraiment commun.
Des disciplines ou groupement de disciplines associés à des “compétences” bien étranges … ou pas
Tellement étrange que le Snalc ne se suit pas toujours lui même : Ainsi l’histoire géographie éducation civique est parfois transformé en histoire-géographie-enseignement civique et moral et devient tantôt l’histoire-géographie education civique et social (sic)
Mais revenons aux compétences revues et corrigées par le Snalc.
Remarquons tout d’abord une hiérarchisation des disciplines d’enseignements : comment expliquer autrement que les connaissances et compétences mathématiques deviennent la 2e compétence ?
La première demeure bien la maîtrise de la langue française. Si l’on en croit le Snalc, seuls les profs de lettres sont habilités à l’évaluer et la valider. Les autres matières ne contribueraient donc pas à la maîtrise de l’oral et à l’enrichissement du vocabulaire (qui sont deux priorités de cette compétence) ?
La maîtrise des principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique est rebaptisé “Connaissances et compétences mathématiques” et par le même mouvement (en arrière toute) devient l’unique préoccupation des profs de maths. On devine là la patte du GRIP et le “savoir lire écrire compter calculer et pis c’est tout !” Exit le raisonnement ? et le sens donné grâce à l’interdisciplinartité entre les matières scientifiques ?
La maîtrise d’une langue étrangère a perdu sa 2e place et son qualificatif de “vivante”. Seule la LV 1 est concernée contrairement au texte en vigueur ! Pourquoi pénaliser un élève qui maitriserait mieux sa LV2 que sa LV1 en fin de scolarité obligatoire ?
La maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication a disparu au profit d’une culture scientifique, technologique et numérique. Au passage le Snalc crée une nouvelle matière “technologie et numérique”. Exit le b2i, retour à l’informatique enseigné par les seuls profs de techno. On oublie l’acquisition d’un usage responsable des TIC au profit d’une “culture numérique” (sic). Symptôme d’un découpage à outrance qui ferait de l’informatique une discipline alors qu’il s’agit pour les collégiens d’un outil, d’une ressource au service du traitement de situations diverses. Comme si l’usage du numérique tournait à vide ! Tout comme on abandonne l’acquisition de la démarche d’investigation au profit de savoirs ingurgités.
C’est le moment de rappeler que toutes les études internationales montrent que les écoliers français maîtrisent les savoirs et les capacités “mécaniques” mais ne savent pas les mobiliser.(il y a fort à parier que ce sera encore la conclusion de la prochaine livraison PISA et qu’on lui fera dire autre chose)
La culture humaniste demeure en l’état. C’est pourtant la partie du socle qui mériterait le plus de modifications. Mais dans sa volonté de revenir à une lecture purement disciplinaire, il en exclut les profs de lettres (modernes) !! On y accorde aussi une place aux collègues de LV2 … on se demande bien pourquoi pas ceux de LV1 … Quant à la géographie, que vient-elle faire ici ?
S’il fallait encore un argument pour nous convaincre du peu de sérieux de ce tableau, c’est fait.
Mais continuons car la suite n’est pas inintéressante.
Les compétences sociales et civiques ont disparu ! On pourrait s’en réjouir si le syndicat retrograde conservateur apolitique les avait remplacées par des compétences citoyennes, que nenni ! Nous avons droit à la maîtrise du corps, entendez l’EPS qui n’a même pas droit à des ponts avec les SVT sur ce thème. Et pourquoi la maîtrise du corps n’entre plus dans l’autonomie ?
Dernière compétence proposée par le Snalc justement : autonomie associée à l’esprit critique (qui remplace l’initiative). Pourquoi pas ! L’intitulé est plutôt bien choisi. Mais le mode d’évaluation nous laisse pantois : un dossier et une présentation orale. Faire preuve d’esprit critique d’accord mais une seule fois durant la scolarité ? Et comment va-t-on évaluer l’autonomie et cet esprit critique au cours d’un oral où il faudra plaire aux attentes d’un jury ?
Comme pour le numérique, ou d’autres, le Snalc externalise toutes les compétences transversales sans d’ailleurs en prévoir les modalités de formation des élèves, mais n’oublie pas de les utiliser pour trier.
Pour résumer, le socle revisité par le Snalc présente toutes les critiques qui étaient faites (à tort et jusqu’à présent) au socle existant par … le Snalc (et d’autres) : à savoir être un enseignement au rabais pour certains élèves, un noyau et non un socle commun
Sous prétexte de s’en saisir, il cherche avant tout des solutions pour ne pas l’appliquer (ou le dévoyer ?) dans le quotidien de la classe, pour ne pas risquer un vrai travail en équipe, et là encore l’inter voire la trans-disciplinarité…
De quoi accentuer les écarts avec entre les élèves, mais ça c’est l’objectif inavoué mais bien visible de ces propositions de “refondation” à la sauce Snalc (à suivre ?)
Sources :
La Quinzaine universitaire n° 1360, publication mensuelle du Snalc
http://www.education.gouv.fr/cid2770/le-socle-commun-de-connaissances-et-de-competences.html
Guillaume Caron & Laurent Fillion