Réflexions personnelles sur notre système éducatif et son actualité

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Niveaux à bulle ?

In Au piquet on 30 avril 2013 at 17 h 43 min

On apprend donc aujourd’hui que le SNALC est pour le retour des classes de niveaux au collège. Quel scoop !

Il s’agirait donc de séparer les « meilleurs » des « moins bons » en Français, mathématiques et langue vivante. Le prétexte ? Dans ces disciplines si les « bases » ne sont pas acquises, on ne peut avancer.

Pour le SNALC, ce n’est pas le cas dans les autres matières. Voilà qui montre au passage au pire une totale méconnaissance des programmes, au mieux (quoique ?) une vision bien particulière des autres disciplines qui ne seraient que des temps d’exposition à des  savoirs déconnectés les uns aux autres. (et là je me dis que j’ai bien fait de ne pas signer une pétition  qui demandait une refonte des programmes d »histoire-géo avec cette organisation syndicale.)

Le SNALC ne nous fera pas croire un instant qu’il  s’agit de remédiation. Il s’agit bien au contraire de mettre en place des filières : élitisme pour les uns, relégation pour les autres … et ce dès la fin de la Sixième !! On voudrait creuser les inégalités qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Du reste, il suffirait que M. Girard annonce que les adhérents du SNALC prendront en priorité en charge les groupes les plus « faibles » pour que bon nombre de ses adhérents ne trouvent l’idée moins bonne …

Notons au passage que ceux-là même qui voulaient faire croire que la mise en place du socle commun était la promesse d’un enseignement au rabais pour certains élèves, proposent tout simplement cette version aujourd’hui.  Mais peu importe que les plébéiens en aient moins tant que les patriciens en ont plus. Ils sont bien républicains … mais version Rome antique.

elitiste

Dessin de Marc Chalvin tiré de Laura Jaffré « Tout ce que vous pensez des profs », ed de La Martinière

D’autres dispositifs peuvent davantage viser les objectifs faussement avancés aujourd’hui.

Une contre proposition ici : 4ème paserelle

Nous l’avions proposée avec quelques collègues il y a quelques années. En vain. L’époque n’y était pas favorable. On nous avait aussi fait remarquer qu’il s’agissait de donner encore des moyens aux « moins bons » sans rien proposer en plus aux « meilleurs », donc de ne pas vouloir en faire des groupes de niveaux (justement !).

Je ne suis pas aussi prétentieux que les spécialistes de la pédagogie au SNALC (si, si) pour croire qu’il s’agit là d’une solution miracle mais elle me semble beaucoup plus juste dans son esprit. On peut en débattre.

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Enseigner la morale : et si on éduquait plutôt (enfin) à la citoyenneté ?

In Salle des profs on 23 avril 2013 at 12 h 21 min

La remise du rapport sur l’enseignement d’une morale laïque et les précisions données par le ministre n’ont ni confirmé ni infirmé les craintes et espoirs que j’avais pu émettre lors de la sortie de « Construire des compétences sociales et civiques ».

D’une manière générale, je suis assez méfiant à l’égard de ce terme de « morale ». Evitons la déclinaison d’un catéchisme républicain ou encore un enseignement moralisateur. Cela risque d’être contreproductif auprès d’adolescents toujours prompts à braver l’interdit imposé par l’adulte.

Développer une morale laïque, au-delà du vocabulaire qui peut laisser perplexe, est-ce autre chose que de permettre à chacun d’acquérir un esprit critique et de développer son jugement, tout en coopérant avec les autres, tout en sachant les écouter et prendre en compte leur point de vue.

On est alors pleinement dans la construction des compétences sociales et civiques et plus particulièrement dans la construction de la citoyenneté..

Dès lors, le développement des compétences sociales et civiques est-elle soluble dans l’enseignement d’une morale laïque?

J’aurais tendance à penser que c’est le contraire : c’est l’enseignement d’un cadre dans lequel doit s’exprimer la citoyenneté qui est soluble dans celui des compétences sociales et civiques. Apprendre aux élèves à s’engager et à débattre doit nous amener nécessairement à aborder la question des limites et des règles dans lesquelles ces compétences s’exercent. Echanger les idées, ce n’est pas affirmer que toutes les idées se valent. Apprendre à assumer des responsabilités, c’est bien apprendre à se mettre au service d’une collectivité, qui a ses règles de fonctionnement et ses principes et valeurs. Apprendre à vivre ensemble, c’est bien mettre en pratique une tolérance réelle. Développer un esprit critique, c’est bien gagner en indépendance et en liberté.

Certaines pratiques semblent plus propices que d’autres à un tel enseignement, pour parvenir à développer un « rapport à soi qui est un art de l’interrogation et de la liberté », «un effort pour raisonner, considérer que tout ne se vaut pas ».

Retenons-en trois :
• Le débat
Il permet de travailler la confrontation d’arguments, la prise en compte du point de vue de l’autre…On peut aborder les grandes questions liées à la « morale laïque ». Mais aussi , par sa forme même, il développe de vraies compétences sociales et civiques.
• Le projet
Mener ensemble un projet permet de dépasser les intérêts individuels pour construire du bien commun, développe les capacités de négocier, d’échanger avec les autres, d’avoir un but commun.
• L’enseignement mutuel
Les pratiques coopératives favorisent les échanges : synthèses collectives de recherches documentaires, exposés à plusieurs.

Je reste néanmoins persuadé que de mettre en place une véritable éducation à la citoyenneté (bien plus large qu’une instruction ou une éducation civique) sur le modèle qui a été proposé hier pour l’enseignement d’une morale fut-elle républicaine aurait été plus judicieux. Les objectifs recherchés s’y seraient retrouvés au milieu d’un ensemble plus cohérent et ambitieux.