Hier soir dans la voiture. Reportage sur France info à l’occasion des élections présidentielles américaines. Retour sur la mesure phare de B. Obama : la loi « santé ».
Interview d’une américaine qui dispose d’une assurance privé et qui, si elle comprend bien qu’il faut en fournir une aux plus pauvres, ne voit pas pourquoi elle serait obligée d’en changer. Second interview d’une autre américaine qui nous explique qu’avec la nouvelle loi, elle ne pourrait plus se faire soigner du cancer comme elle l’a fait il y a quelques années. Fin du « micro trottoir ».
Et là, excellent travail de la journaliste qui nous explique que ces témoignages relèvent du ressenti et non de la réalité. La première américaine était visiblement mal informée, quant à la deuxième, elle était sans doute militante républicaine. La journaliste nous expose ensuite dans le détail le contenu de la loi et nous démontre que les propos précédents étaient totalement infondés. Elle précise aussi que l’administration Obama a bien mal présenté et défendu cette loi. Bref, elle fait du journalisme.
Me vient alors en tête un parallèle. Le matin, deux pages dans Le Figaro Libération consacrées au livret personnel de compétences (LPC), à moins que ce ne fût au socle commun, ou encore à l’évaluation, (pas facile de savoir au juste tant tout y est mélangé). Comme dans le reportage de France Info, on donne la parole à des témoins : quatre profs de collège, dont l’une très médiatique.
Et là on a droit à une série d’affirmations impitoyables.
On lit ainsi que le LPC est «un outil bureaucratique, inspiré de recommandations européennes et de l’OCDE, qui véhicule l’idée d »élèves employables » avec des compétences qui tourne le dos à à une vision humaniste du savoir»
ou encore que le «socle commun, ça veut dire un minimum. Alors qu’il s’agit de faire progresser les élèves. Et puis je n’aime pas ce mode d’évaluation binaire « acquis » ou « pas acquis »».
Un collègue nous alarme : « Le gros danger à ne travailler que par compétences : c’est d’oublier les connaissances. Or il faut d’abord commencer par elles. »
Quant à la médiatique Mara Goyet, (en digne héritière de Natacha Polony) elle s’amuse :
« cette idée de devoir mettre une date à côté de chaque acquisition »
« tout est mis sur le même plan : « Dégager l’essentiel d’un texte lu » et « savoir nager » »
» Dans le même registre, et dans ce grand ensemble dédié à sonder la culture humaniste des collégiens, on trouve l’item : « être sensible aux enjeux esthétiques et humains ». C’est sacrément grandiloquent, et je ne vois pas comment donner une note de sensibilité. »
Si Libé avait travaillé comme France Info, on aurait eu droit à quelques explications et rectificatifs. On aurait pu lire que les intervenants confondaient allègrement socle commun et LPC, évaluation et validation, évaluation et notation …
On aurait pu mettre en relief leurs contradictions : un LPC qui tourne à la fois « le dos à une vision humaniste du savoir » … mais qui possède « un grand ensemble dédié à la culture humaniste des collégiens »
On aurait pu préciser que le LPC tel qu’il existe de ne demande pas de dater ni de noter l’acquisition des compétences ou encore que tout n’est pas mis sur le même plan puisque présenté en 7 piliers bien distincts, montrant ainsi que certains propos sont tout simplement mensongers.
Une mise en perspective avec la réalité des textes et des pratiques aurait permis de différencier évaluation (qui n’est pas binaire) par compétences et validation (qui elle l’est par nature !).
Un simple entretien avec un prof de collège qui pratique vraiment l’approche par compétence aurait permis de tordre le cou à ce « marronnier « : compétences et connaissances sont antinomiques. Une compétence est en effet la mise en oeuvre, la mobilisation de connaissances.
Un recadrage aurait été nécessaire quant à la nature du socle commun. Minimum en effet, mais minimum qui doit être garanti à tous (et non minimum qui remplace les programmes comme on veut le faire croire). L’instauration du SMIC a-t-il fait baisser la totalité des salaires ou a-t-il permis à certains d’obtenir un minimum décent ? La suppression du SMIC entraînerait-elle une élévation des salaires ?
On aurait pu aussi cibler les justes problèmes repérés par les collègues : le degré d’acquisition attendu, l’inutile complexité du livret, la manque de cohérence dans la mise en place du socle…
On le voit, en adoptant la méthode utilisée par sa consœur de France Info, la journaliste de Libé aurait pu nous offrir un article intéressant montrant toute la complexité des débats éducatifs. Comme pour le reportage précédemment cité, on aurait pu conclure que beaucoup sont mal (in)formés, que d’autres s’opposent en avançant des arguments fallacieux et enfin que l’administration a bien mal présenté et défendu cette réforme.
Hélas non.
On a au contraire eu droit à une illustration de ce qu’affirmait M-C. Missir de l’Express lors du colloque organisé par le CRAP-Cahiers pédagogiques mardi dernier « L’éducation dans les médias, c’est une affaire de marronniers et des camions de clichés«