La refondation de l’école passe cette semaine à une nouvelle étape : le ministre doit recevoir les organisations syndicales et les associations concernées. Un peu étonnant puisque celles-ci ont largement participé à la grande concertation engagée depuis juillet.
Le rapport qui a été remis au Président et au ministre suite à cette concertation possède, à mes yeux, un grand nombre de propositions positives et courageuses sur de nombreux points.
Morceaux choisis :
Sur les pratiques pédagogiques :
« la refondation sera pédagogique ou ne sera pas. »
« Or, malgré de nombreuses expériences pionnières, malgré l’investissement et l’imagination de très nombreux personnels de direction et d’enseignants, l’école est restée dans l’ensemble fidèle à une pédagogie frontale traditionnelle : un maître face à un groupe d’élèves suivant le programme au même rythme. Pourtant, les résultats de ces expériences, les exemples étrangers comme les enseignements de la recherche nous montrent que d’autres pédagogies – les petits groupes, le tutorat, les projets – sont plus efficaces, en particulier, face à la difficulté scolaire. »
Sur l’évaluation
« Pratiquer, plutôt qu’une notation-sanction, une évaluation positive simple et lisible, valorisant les progrès »
« réformer le diplôme national du brevet pour prendre en compte le socle. »
Sur l’éducation à la citoyenneté :
« L’apprentissage de la citoyenneté ne se résume pas à l’acquisition, nécessaire, de connaissances sur le système politique et institutionnel. Pour « exercer de manière lucide et raisonnée la part de souveraineté qui lui est dévolue, le citoyen doit avoir appris à s’informer sur des sujets politiques, à juger du point de vue de l’intérêt général, à avoir le souci du bien commun, de la justice et de l’égalité, à argumenter et à débattre, à assumer des responsabilités collectives. Ces compétences civiques s’acquièrent notamment par la participation aux instances représentatives et/ou à la vie associative de son établissement. »
Le discours de François Hollande, mardi, est apparu beaucoup plus « prudent » que le rapport. Il est vrai qu’entre temps, certaines organisations qui n’ont pour ambition pour l’école que l’immobilisme (tout en paradoxalement pointant ses faiblesses) avaient brandi les menaces d’une opposition farouche (donc peu constructive).
Un passage du discours m’a interpellé :
« Une grande ambition peut être gâchée, en tous cas tourmentée, par des détails qui viennent lui nuire et parfois la limiter. Il faut avoir dans ces choses à la fois de grandes idées et aussi la passion des détails. »
C’est vrai ; les détails sont importants … c’est pourquoi je me suis demandé pourquoi le président avait évoqué un « socle commun de connaissances » en omettant les compétences.
Continuité dans l’extrême prudence jeudi avec Vincent Peillon qui a tenté de défendre l’idée d’une refondation tout en cherchant visiblement à obtenir l’unanimité des acteurs sur la future loi d’orientation.
Souci bienveillant et surtout bien compréhensif pour un politique en période trouble.
Cette prudence verbale a permis à certains de pouvoir affirmer que le ministre reculait sur bon nombre de propositions courageuses du rapport. Bel exercice de méthode Coué sans doute.
Mais les propos tenus le leur permettaient.
Un exemple sur la bivalence : « Je ne retiens pas l’idée de la bivalence (…) Je ne veux pas blesser les identités disciplinaires qui méritent le respect ». Ma foi, j’ai connu en tant qu’élève et comme prof, des PEGC qui avaient une très forte identité professionnelle que j’ai toujours respectée, voire admirée. D’ailleurs à bien y réfléchir, moi, je suis déjà tri voire quadrivalent …
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Si on se contente d’un « socle commun de propositions » pour refonder, le résultat risque de ne pas être à la hauteur des enjeux. Comment espérer concilier des acteurs qui ne mettent pas en avant les mêmes finalités ni les mêmes valeurs ?
Si l’on veut vraiment refonder, il faudra avoir le courage de ne pas satisfaire toutes les revendications.
Sans être architecte, je ne vois pas comment on peut changer les fondations d’une grande maison sans toucher aux murs, voire sans en abattre quelques-uns…
Un article dans l’Humanité du jour regrette, à propos des reculades vis à vis des entrepreneurs, que le gouvernement écoute davantage ceux qui le combattent plutôt que ceux qui soutiennent ses orientations. J’aimerais ne pas penser la même chose à propos de l’éducation dans quelques jours.