Ce qui est bien avec les conseils de classe, c’est qu’on n’est jamais surpris : on connaît le déroulé et le contenu à l’avance.
Un rite tout aussi immuable qu’inutile.
Ça commence forcément par un « ils ne travaillent pas assez, surtout à la maison ! » (c’est vrai que tous les soirs, on fait le tour des domiciles de nos élèves pour vérifier). La variante du troisième trimestre, c’est » depuis la mi-mai ils ne font vraiment plus rien, ils se croient déjà en vacances » (et là, je me retiens d’évoquer l’ambiance actuelle forcément très studieuse de la salle des profs).
On choisit alors ce moment pour donner la parole aux délégués, qui nous font une séance d’autocritique maoïste.
Viennent alors ces expressions toutes faites qui m’ont toujours irrité : « les bons n’ont pas assez tiré les faibles vers le haut » / « la tête de classe n’a pas joué son rôle » … etc
Puis il y aura forcément un moment « people »
« forcément vu qu’elle est amoureuse de Johnny en 4e2, ses résultats ont baissé »
« ha, bon t’es sûr ? je ne savais pas, par contre j’ai surpris Kevin avec Jessica de 5e 3 »
» noooooon ?! »
C’est à ce moment là que les deux délégués de classe essaient leur stylo en griffonnant sur leur feuille, tête baissée bien concentrés sur les arabesques qu’ils dessinent.
Puis vient le « cas par cas » (sic).
Lecture des moyennes et des petites flèches qui nous montrent les baisses (sans tenir compte des exigences bien plus grandes en ce dernier trimestre), et puisque la flèche baisse, c’est que forcément ils ont moins travaillé .. surtout à la maison … on l’a bien dit tout à l’heure !
Lecture des appréciations (là, généralement on corrige mes erreurs de frappe) puis débat de 10 minutes pour savoir si on lui met « compliment » ou « félicitations » / « avertissement travail » ou « mise en garde travail ».
Le débat n’a pas suffi ? On vote ! Mince, égalité !
On peut alors marchander « tout à l’heure je t’ai laissé féliciter Kevin, qui a la même moyenne que Marlyne, donc on la félicite aussi ! » ou encore « hier, dans l’autre 4e, on en a félicité pour moins que ça ! ».
L’heure tourne et y’a un autre conseil après, donc on la félicite et on passe à Jessica !
Jessica qui est justement présente car elle est déléguée ! Quelle idée aussi d’être déléguée quand on est « mauvais élève » !
Et là ça peut vite se transformer en tribunal populaire. (C’est sans doute par charité que certains professeurs principaux interdisent aux élèves « à problème » de se présenter aux élections). Cette fois-ci, l’assemblée est bienveillante, Jessica a droit à des conseils appuyés après une nouvelle séance d’autocritique maoïste…
Terminé !
Ah oui, parole aux délégués de parents, vous avez quelque chose à ajouter ? Forcément que non.

source : clg-molieres-essarts.ac-versailles.fr
Les enseignants qui liront cet article seront forcément fâchés car, même si j’ai parfois un peu forcé le trait (quoique), ils vont tous s’y reconnaître à une ligne ou à une autre (moi le premier !). Justement puisqu’on est tous concernés( à défaut d’être tous consternés), si on réfléchissait à l’améliorer ce « conseil » de classe fort mal nommé. Si on mettait en oeuvre un déroulement qui viserait vraiment à lister réussites et faiblesses, points forts et points faibles de chaque élève ?
Si on profitait d’une évaluation par compétences (et des usines à cases) pour établir un bilan un peu plus précis des acquis, progrès et manques de nos élèves, bilan qui pourrait d’ailleurs être élaboré par les élèves eux-mêmes et présenté au conseil ?
Si on y passait un peu de temps à analyser le profil d’apprentissage de chacun d’entre eux afin de voir comment nous, ses profs, on peut l’aider à progresser ?
Si on en profitait pour leur proposer de vraies pistes de travail pour faire mieux (au-delà des injonctions inutiles) ?
Si avant d’écrire « Peut mieux faire! » on appliquait la formule au conseil de classe…