Réflexions personnelles sur notre système éducatif et son actualité

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Je dénote, tu notes, il note…

In Salle des profs on 29 novembre 2010 at 17 h 51 min

Je n’ai pas pu rester insensible au débat lancé sur la notation à l’école ces dernières semaines à la suite de l’appel de l’afev. Le fait que l’UNI, SOS Education et Eric Zemmour aient crié au scandale aurait pu à lui seul me rendre l’initiative sympathique. Il se trouve surtout que cette question arrive sur le devant de la scène médiatique (ce qui n’est d’ailleurs pas forcément une bonne chose pour les questions éducatives)  alors que j’ai décidé cette année d’abandonner (en collège) le système de notation. J’ai eu l’agréable surprise d’être suivi par de nombreux collègues. Ainsi pour deux classes de notre collège (une sixième et une quatrième), la quasi totalité des professeurs évaluent sans note. Les autres classes sont concernées à des degrés moindres : certains professeurs ont fait ce choix d’évaluation pour toutes leurs classes, d’autres y pratiquent le double système (notes+compétences). Attention toutefois à ne pas limiter une telle décision à la seule suppression des notes, au risque de cruelles désillusions (et de donner  -en partie- raison aux caricaturistes cités plus haut).

Il est évident qu’un de nos objectifs est d’éviter la démobilisation, la démotivation que peuvent provoquer les (mauvaises) notes, notamment chez les élèves de 6e. Celui qui n’a jamais vu un de ses jeunes élèves abandonner après deux ou trois mauvaises notes alors qu’il s’investissait jusque là est aveugle, insensible ou menteur. Relisons Chagrin d’école !

Mais faire le choix d’une évaluation par capacités ou compétences doit s’accompagner d’une modification des pratiques si on veut qu’elle soit effectivement positive.  Certaines équipes ont par le passé tenté en collège des expériences d’abandon des notes et en ont tiré des conclusions d’échec, parce qu’ils avaient confondu moyen et objectif. La suppression des notes ne doit pas être un but en soi mais un moyen de progresser et faire progresser. C’est pourquoi certains pédagogues  ont émis des réserves sur l’appel de l’Afev.

Aussi les objectifs poursuivis doivent être multiples :

– davantage prendre en compte les progrès réalisés par les élèves au fur et à mesure des évaluations. Reconnaître ainsi les acquis doit nous aider à donner confiance aux élèves, à leur donner estime et respect d’eux-mêmes.

– utiliser efficacement le droit à l’erreur

– davantage prendre en compte les rythmes d’acquisition des apprentissages, différents d’un élève à l’autre

– engager des remédiations individualisées

– mettre en place dans les classes une véritable approche par compétences

Or, tout cela la note, (et son cortège de coefficients, que quart de points, de moyenne trimestrielle, de moyenne la plus haute, la plus basse, …) ne le permet pas. Il nous parait en effet  essentiel en cas de plusieurs évaluations d’une même compétence, de ne prendre en compte que le dernier résultat obtenu par l’élève, ce que l’on pourrait traduire par : « Aux dernières nouvelles, l’élève savait (ou ne savait pas)… ». Dans le système d’évaluation traditionnelle on sanctionne davantage la rapidité d’acquisition d’un apprentissage plutôt que l’acquisition même de cet apprentissage.  Aussi, certains élèves qui progressent (forcément !) sur une année scolaire sont toujours mis en situation d’échec.

Illustration tirée de Gérard de Vecchi "banque de situation problèmes", Hachette Education

Nous avons donc décidé d’offrir aux élèves la possibilité d’être réévalués sur les items qu’ils n’ont pas acquis (« évaluation « 2ème chance » à la demande des élèves et individualisés ou réévaluation proposée par nous même après remédiation ou après une séance abordant la même capacité)

Le droit à l’erreur est ainsi vraiment pris en compte.  Et l’élève devient lui-même un acteur de ses évaluations, de son parcours.

Après un premier trimestre, nous pouvons d’ores et déjà tirer quelques conclusions :

– nous connaissons mieux nos élèves (ils ne valent plus 9 ou 12 mais maîtrisent ou ne maîtrisent pas telle ou telle compétence)

– ce type de pratique facilite grandement notre travail de remédiation et nous donne des idées sur les formes qu’elle peut prendre

– les élèves ne peuvent plus se contenter de la « moyenne » donc de la moitié de ce que l’on doit leur enseigner mais cherchent vraiment à progresser compétence par compétence.

– ils ne sont plus « nuls » puisqu’ils maîtrisent forcément même partiellement une compétence.

 

Je publierai régulièrement sur ce blog  les motifs de satisfaction mais aussi les échecs, les exemples concrets, les doutes, les difficultés rencontrées.

 

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